On est dans une ère où l'utilisation du numérique et l'usage de media dématérialisé est de plus en plus forte. Certains trouvent ça pratiques, certains disent que c'est l'avenir, d'autres que c'est vraiment mieux que les media physiques aussi.

Personnellement je pense qu'on va y perdre beaucoup au bout du compte mais que les gens commencent à peine à le voir, alors qu'on est beaucoup à l'avoir dit. Tout est une histoire de pérennité, de propriété et de contrôle.

Posséder une œuvre ?

Le premier point important à comprendre c'est qu'on ne possède jamais une œuvre. Que ce soit un morceau de musique, un épisode de série, un film, un roman, une bande dessinée, un jeux-vidéo, une peinture, une photo, etc. on ne la possède pas, on acquiert juste un droit d'exploitation privé (vous ne pouvez pas diffuser l'œuvre publiquement hors du cadre familial). Ce droit peut être matérialisé sous la forme d'un objet physique – un disque (CD, DVD, BluRay), un livre, une toile, une affiche – qui peut être cédé mais c'est bien le support notre seule possession.

L'avantage d'avoir un objet physique associé à ce droit c'est qu'on ne peut pas en être dépossédé : on appellerait ça du vol. D'autres gens peuvent aussi posséder le droit sur l'œuvre via une autre copie physique, parfois c'est impossible comme pour le cas d'une peinture originale : vous serez le seul à posséder le droit sur l'œuvre, les copies ne seront pas la même œuvre.

Dans tous les cas c'est toujours l'auteur, ou un représentant à qui il a cédé ses droits, qui est détenteur de l'œuvre.

Le cas du dématérialisé

En dématérialisé, pour moi il existe trois cas : l'achat, la location, le service à la demande.

La location en dématérialisé fonctionne comme avant : on possède un droit d'exploitation pour une durée définie, mais on est en dématérialisé donc pas besoin de prendre possession en physique d'un DVD par exemple.

Pour le service à la demande c'est un peu différent parce que ça n'existait pas avant le dématérialisé. Même si on pourrait dire que c'est comme un abonnement illimité à un service de location où on pourrait avoir accès à tout le catalogue dans la limite de une à quatre œuvre à la fois (en rapport aux nombres d'écran parallèle de Netflix par exemple). Ce qui change par rapport à la location physique c'est qu'un vidéoclub par exemple pouvait louer un film tant que le disque fonctionnait, maintenant les plateformes prennent des licences de diffusions à durée limitée (la raison pour laquelle on voit des séries et des films disparaître du catalogue), et donc on est soumis à la volonté de la plateforme de renouveler la licence ou non.

Pour l'achat, ça devient assez différent. Avant on possédait le support qu'on pouvait échanger ou revendre, ici on ne possède plus rien au sens propre comme on se passe du support physique. On ne fait qu'ajouter à notre bibliothèque virtuelle une œuvre. Il y a principalement deux cas d'utilisations : soit on peut télécharger librement (comprendre, sans DRM ou autres protections), dans ce cas on est libre de faire les copies de sauvegarder qu'on veut tant qu'on ne fait pas de diffusion ni de revente ; soit on est lié à un compte (PS Store, Kindle, Play Store/Book/Music, iTunes, etc.), là on dépend du bon vouloir du service de nous laisser exploiter notre droit d'exploitation à plus ou moins long terme. Il faut bien comprendre que globalement dans le second cas on ne peut très souvent plus exploiter l'œuvre si la plateforme ferme ou retire l'œuvre (moins vrais pour les jeux-vidéos si on a déjà installé le jeu).

L'arbre : le PS Store PS3/PSP/Vita

Le cas récent du PS Store est intéressant. PlayStation pousse vers le dématérialisé depuis quelques années déjà : PSP Go en 2009, PSVita avec un fort accent sur le PS Store, la PS3 possédait déjà un bon catalogue en dématérialisé, la PS4 et même la PS5 aussi avec même une édition 100% dématérialisé de la PS5 (la Digital Edition). En tant que client d'une entreprise aussi énorme que PlayStation et Sony qui est derrière on peut se dire que c'est une plateforme fiable, que le service est périn, etc. Mais dans la pratique on dépend d'eux et ils prennent des décisions unilatérales.

On sait depuis quelques semaines que le PS Store ne proposera plus l'achat sur le PS Store dès cet été. Le téléchargement sera encore possible après mais pour combien de temps ?

En tant qu'utilisateur on ne peut rien faire, on a aucun recours, car ça fait partie des conditions du service pour PlayStation de pouvoir fermer le PS Store, conditions qu'on accepte sans lire (soyons honnêtes sur ce point).

Une forêt de service avec le même problème

Globalement je pense qu'on consomme de plus en plus de ces services qui ne nous garantisse aucune pérennité. Dans cet article je me focalise sur l'exemple du PS Store, mais on pourrait trouver plein d'autres exemples de services qui ont fermé en coupant l'accès à des achats – par exemple la boutique ebook du Windows Store sur Windows qui permettait d'acheter des livres laissant les clients sans accès au contenu qu'ils avaient acheté. On pourrait aussi évoquer des cas de retrait de contenu comme ça avait été le cas à une époque pour les possesseurs de 1984 de Georges Orwell sur leur Kindle dont l'œuvre avait été supprimé de la boutique ET des Kindles des gens sans avoir le moindre recourt.

Ici je parle d'exemple qui se sont produits, mais on pourrait très bien s'attendre à un abandon dans le futur de service comme Google Play Livres, Google étant un habitué des fermetures de service, indépendamment du volume d'utilisateur (on peut en voir une bonne liste ici https://killedbygoogle.com/ ou ici https://gcemetery.co/). Dans le même temps on fait la plupart du temps le choix de suivre ces plateformes, car on pourrait très bien ne pas utiliser ces services.

Un problème de pérennité

Il faut être conscient qu'on est dans une ère où le dématérialisé est partout. Qu'on le veuille ou non. Exemple très simple : j'ai tendance à acheter tous mes jeux-vidéos en édition physique, mais je sais aussi que la plupart des jeux sont mis à jours et parfois sont inutilisable sans ces mises à jours, parfois les jeux ne sont tout bonnement même pas présent sur la cartouche / le disque.

Là-dessus quand je compare les consoles actuelles et les vieilles consoles ça me rend triste. Quid des générations à venir qui ne pourront sans doute jamais jouer à certains jeux qui n'existe qu'en dématérialisé et qui auront été perdus ? Quid des cartouches qui seront inutilisables ? On ne pourra pas dans 10 ans, 15 ans, 20 ans acheter une Nintendo Switch et acheter quelques cartouches au hasard pour tester des vieux jeux comme certains comme moi le font avec des Gameboy ou même des consoles moins diffusé comme la Wonderswan, la Watara Supervision ou même la NeoGeo Pocket… On est déjà dans ce cas-là sur PSP, Vita et PS3 : https://www.actugaming.net/ps-store-liste-jeux-ps3-psp-vita-disparaitre-404075/

Que faire ?

Déjà je pense qu'il faut être conscient qu'on ne fait que de la location longue durée lorsqu'on achète un jeu en dématérialisé la plupart du temps ; que la durée de cette location dépend unilatéralement de la plateforme; que l'argent l'argent qu'on investit dans ces achats est doublement perdu : on l'a échangé contre un bien immatériel et on ne peut pas le revendre.

Il reste deux choix face à ça :

  • accepter les limites de ces services en pleine conscience
  • les remplacer par des alternatives

En termes de remplacement à part favoriser l'achat de jeux en physique avec un gros disque dur / une grosse carte mémoire pour les mises à jours / installation je n'ai pas trop de solution. Pour certains services en ligne comme Spotify ou Deezer, j'ai de mon côté opté pour Sonerezh une alternative autohébergé, mais il existe d'autres solutions.

Sources :

Crédit photo : https://pixabay.com/photos/spring-forest-plant-nature-tree-5002186/